Le milieu des affaires est convaincu qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre au Canada. La plupart des grandes associations d’entreprises identifient les pénuries de main-d’œuvre comme l’un des plus grands défis à relever.
Les économistes sont plus sceptiques quant à la pénurie de main-d’œuvre, qui reflète son absence apparente dans les données sur les emplois vacants et les salaires. Plus généralement, les économistes se méfient des prévisions de pénurie en fonction des tendances démographiques, qui ne sont généralement pas des prévisions fiables.
Les entreprises et les économistes ont des vues très différentes. La plupart des données démontrent de plus en plus des pénuries dans certaines parties de l’économie canadienne et bien qu’elles ne soient pas aussi graves qu’en 2008, elles existent encore. Une des raisons pour laquelle les pénuries sont moins sévères aujourd’hui, est que les employeurs ont adopté plusieurs stratégies pour étendre leurs ressources en main d’oeuvre, en utilisant leur expérience d’avant la récession. Il s’agit notamment d’encourager les employés à rester au-delà de l’âge habituel de la retraite, l’extension de leurs heures de travail et l’utilisation sélective du programme des travailleurs étrangers temporaires.
En utilisant tous ces outils pour accroître l’offre de main-d’œuvre, les employeurs ont surpassé les mesures conventionnelles contre la pénurie leur masse salariale, une bonne démonstration de leur capacité d’adaptation face à la réalité de la pénurie actuelle et future. L’accent est mis sur l’expansion de la main d’oeuvre, en particulier des travailleurs les plus utiles, comme solution, ce qui va à l’encontre de l’idée que limiter les heures de travail aiderait l’économie.
Toutefois, les employeurs savent que beaucoup de ces tactiques ne peuvent être maintenues, ce qui explique pourquoi ils sont préoccupés par les pénuries maintenant et dans un avenir proche. Les économistes cherchent des preuves de pénurie dans les anciennes données, alors que les entreprises abordent la question en regardant vers l’avenir, en sachant qu’ils auront bientôt à remplacer leurs travailleurs les plus âgés avec de nouvelles sources de main-d’œuvre.
L’offre future de main-d’œuvre est une cause de préoccupation pour de nombreux employeurs. L’une des divisions les plus frappantes dans le marché du travail d’aujourd’hui est l’écart important entre les chômeurs adultes et les jeunes chômeurs. Le taux de chômage des adultes est extrêmement bas, alors qu’il reste élevé chez les jeunes. Le taux de chômage des jeunes de l’Ontario de 16% , ce qui est près de trois fois plus élevé que pour les adultes. Le taux de chômage élevé chez les jeunes crée l’illusion statistique, qu’il y a une grande masse de main-d’œuvre disponible pour travailler, ce qui soulève des doutes quant à la pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, ce calcul est trompeur, puisque les employeurs ne peuvent pas embaucher les jeunes, surtout les adolescents, pour remplacer leurs meilleurs travailleurs qui approchent de la retraite. Cela augmente la nécessité pour les employeurs d’encourager leurs travailleurs âgés à rester sur le marché du travail, alors qu’ils travaillent souvent de très longues heures. Une autre complication est que près de la moitié des étudiants à temps plein sont à la recherche de travail, mais leurs études limitent évidemment le temps qu’ils peuvent consacrer à travailler. Pour les employeurs, c’est ce qui exclut de nombreux étudiants à temps plein en tant que candidats. Pour toutes ces raisons, les employeurs ne considèrent pas la plupart des jeunes comme des substituts viables pour leurs employés approchant de la retraite.
Une autre raison pour laquelle de nombreuses entreprises n’évaluent pas les jeunes hautement est que les jeunes d’aujourd’hui ont acquis des compétences différentes. Puisque le nombre de jeunes dans les collèges communautaires est en baisse et que beaucoup vont plutôt à l’université, un décalage s’est créé entre les compétences acquises par les jeunes et les compétences exigées par les employeurs. Selon les mesures du taux de chômage, les élèves du secondaire qui ont un certificat ou un diplôme réussissent nettement mieux que les diplômés universitaires. L’une des conséquences est que le système d’éducation du Canada doit produire des diplômés possédant les compétences recherchées par les employeurs. Cependant, ces modèles n’ont pas existé assez longtemps pour se refléter dans les salaires et il semble lucratif pour les étudiants à poursuivre des études universitaires.
Les compressions à la formation en entreprises se sont produites lorsque le système d’éducation du Canada a progressé de manière significative, en particulier les universités. Le résultat, dans une perspective globale, est une substitution de l’éducation faite dans notre secteur public pour le secteur privé. Sans surprise, le fonctionnement des marchés du travail du Canada a été lésé. Il serait utile que le secteur privé soit davantage impliqué dans l’éducation et la formation.
On se demande souvent pourquoi les salaires n’ont pas augmenté de manière significative. Une partie de la réponse est le ralentissement des marchés du travail faibles du Canada central, qui masque une nette augmentation des salaires dans certaines provinces et industries. En même temps, si les employeurs augmentent leurs salaires pour attirer de nouveaux travailleurs, ils devront augmenter les salaires pour tous les travailleurs. Cela est particulièrement vrai pour les villes ne comportant qu’une seule industrie, communes dans le secteur des ressources. Donc, il y a une incitation pour les employeurs à utiliser une variété de mesures de promotion non salariales pour attirer de nouveaux travailleurs. Ces incitations comprennent beaucoup de choses, de payer pour les frais de déménagement à des primes de signature, mais ne se voient pas dans la mesure conventionnelle des salaires.
Source: Financial Post