Le texte suivant a été présenté par Colin R. Singer en tant que conférencier principal au Sommet sur l’immigration de Conference Board Canada, Ottawa, le 5 avril 2016.
Le gouvernement fédéral est en train de perdre les investisseurs les plus riches du monde, alors que le Canada est une destination de choix pour les hommes d’affaires très fortunés. Il s’est égaré lorsque le gouvernement fédéral précédent a mis fin au programme fédéral d’investisseurs immigrants et l’a remplacé par un programme qui n’a pas suscité un intérêt significatif. Le Canada doit maintenant recouvrer son rôle d’opérateur dominant dans le secteur de la résidence par l’investissement, comme il a la base politique et la demande du marché pour le faire.
Une étude de premier plan montre de manière concluante que les immigrants sont beaucoup plus susceptibles de posséder une entreprise que leurs homologues canadiens, un élément clé de la croissance économique. Publiée en mars 2016 et intitulée Immigration, propriété d’une entreprise et emploi au Canada, l’étude conclut que «les taux de propriété d’entreprises privées et de travail indépendant non constitué en société sont plus élevés parmi les immigrants que parmi la population née au Canada». Nous le savons officiellement pour la première fois car les données basées sur la propriété d’entreprises immigrantes ne sont disponibles que depuis peu avec l’introduction de la base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés, à laquelle vous pouvez accéder ici.
Pourquoi le Canada ne voudrait-il pas attirer de nouveaux résidents et citoyens qui créent leur propre entreprise, créent des emplois indispensables et engagent des dépenses de consommation substantielles dans l’économie locale?
L’histoire du Canada dans le secteur de la résidence par l’investissement
Jusqu’en 2014, le programme fédéral d’immigration des investisseurs permettait aux millionnaires débutants d’accéder à la résidence et finalement à la citoyenneté au Canada. Le système fonctionnait en grande partie sur les revenus d’intérêts générés par les fonds des investisseurs. Les avantages du programme pour le Canada ont atteint un sommet dans les années 90, lorsque les taux d’intérêt étaient élevés.
Malgré un long régime de taux d’intérêt bas, le même régime, avec les ajustements appropriés du seuil d’investissement, placerait le Canada au premier rang des immigrants en matière d’immigration pour les demandeurs de niveau intermédiaire aujourd’hui, et apporterait des avantages incommensurables au Canada, s’il n’y mettait pas fin. Lors de son annulation en 2014, plus de 15 000 hommes et femmes d’affaires, principalement des Chinois, attendaient depuis six ans, chacun étant prêt à investir 800 000 $ dans un programme d’investisseurs immigrants soutenu par le gouvernement fédéral.
L’ancien programme pour les entrepreneurs, bien que beaucoup moins populaire, a également été supprimé, principalement parce que les agents d’immigration fédéraux ne pouvaient pas évaluer efficacement la viabilité des projets commerciaux proposés dans les provinces.
Le nouveau programme de remplacement de l’ancien programme des investisseurs immigrants a été lancé en février 2015 et était destiné aux investisseurs très fortunés. Connu sous le nom de Programme pilote de capital de risque pour immigrants investisseurs (PPCRII), il a confirmé le retrait définitif du Canada du secteur des investisseurs fortunés. Cependant, le nouveau programme était voué à l’échec dès le début.
Il vise à attirer des personnes très fortunées, (celles qui investissent 2 millions de dollars en résidence temporaire pour les demandeurs et les membres de leur famille) par le biais de conditions peu compétitives telles que des tests linguistiques obligatoires et une obligation d’investissement de 2 millions de dollars dans un fonds approuvé pour 15 ans. Les programmes mis en place aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie (pays de niveau 1 basés sur des voyages sans visa et autres index), entre autres, nécessitent des conditions beaucoup moins onéreuses, ce qui explique pourquoi moins de 10 demandes ont été reçues contre une cible de 60 pour ce programme de projet pilote.
En raison de cette politique infructueuse, le Canada n’attire plus les hommes d’affaires les plus prospères du monde et leurs familles qui, autrement, choisiraient de s’installer ici.
Par contre, le gouvernement du Québec continue de faire la promotion de son Programme des Immigrants Investisseurs du Québec (PIIQ), qui connaît un franc succès, et qui existe depuis 1986. Les candidats doivent disposer d’une valeur nette de 1,6 million de dollars, soit deux ans intention de vivre au Québec, un investissement de 800 000 $ sur cinq ans, à la suite de quoi l’argent est retourné sans intérêt et des frais de traitement de 15 000 $.
L’administration du programme PIIQ est en grande partie financée par les frais de traitement facturés aux investisseurs. Il a été entièrement souscrit en 2014 et 2015 avec 1 750 candidats par an. La version 2016 du programme PIIQ ouvrira ses portes le 30 mai et acceptera 1900 applications.
Les avantages du PIIQ pour la province sont indéniables. À travers Investissement Québec, la province gère un fonds d’investisseurs immigrants qui octroie des subventions aux entreprises du Québec. Entre janvier 2001 et février 2016, le PIIQ a généré plus de 700 millions de dollars. Ce montant a été attribué à 4 737 entreprises québécoises situées dans 17 régions de la province.
Les besoins politiques du Canada
D’après les conclusions empiriques présentées dans Immigration, propriété d’une entreprise et emploi au Canada, le Canada dispose des fondements politiques pour justifier la reconception d’un programme d’immigration des entreprises à très forte valeur nette. Il lui faut simplement créer les bonnes politiques et des programmes bien structurés qui permettront d’attirer des hommes d’affaires très fortunés et d’assurer les avantages financiers qui peuvent être réalisés.
Il a récemment été confirmé que le gouvernement libéral avait l’intention de donner une impulsion à l’économie en difficulté du pays en engageant des dépenses substantielles dans divers projets au cours des cinq prochaines années. Le résultat pourrait être un déficit budgétaire pouvant dépasser 120 milliards de dollars au cours de la période.
Une façon de compenser ce manque à gagner consiste à revoir la conception des politiques dans le cadre des programmes d’immigration d’investissement fédéraux qui apporteront des capitaux importants au Canada tout en attirant certains des hommes d’affaires les plus prospères du monde à s’établir au Canada. Cela offrira à ces personnes l’occasion de réinstaller leur famille ici, d’inscrire leurs enfants à des programmes d’études canadiens et de poursuivre leurs projets d’affaires fructueux à long terme.
S’il est exécuté de manière stratégique, le Canada réalisera des gains importants sur son capital humain dans l’immédiat et grâce aux enfants de ces hommes d’affaires, à long terme. Les avantages en capital humain que les enfants de gens d’affaires prospères apportent au Canada sont incommensurables et inestimables.
Un nouveau programme d’affaires doit s’inscrire dans le cadre législatif actuel
Notre pays, caractérisé par une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires en matière d’immigration, a amené chacune des dix provinces et des trois territoires à élaborer leurs propres politiques et programmes d’immigration, connus sous le nom de programmes des candidats des provinces (PCP) qui sont adaptés à leurs besoins individuels. Étant donné la nature particulière de chaque province et territoire, les gouvernements provinciaux sont les mieux placés pour concevoir et gérer leurs propres programmes.
Au sein des PCP, de nombreuses provinces encouragent les options d’entrepreneurs actifs à un petit nombre de gens d’affaires très fortunés. Selon la province, les programmes fonctionnent généralement avec des quotas annuels modestes et nécessitent des investissements allant de 150 000 $ à 800 000 $, entre autres critères.
Le Québec, par l’intermédiaire de son PIIQ, gère le seul programme d’investisseurs très fortunés, qui le restera en raison d’un accord de longue date et des interdictions énoncées à l’article 87 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Il n’existe aucune logique pour le gouvernement fédéral de créer un programme d’entrepreneurs secondaires qui présente bon nombre des caractéristiques des programmes provinciaux existants.
Par conséquent, il existe une solide justification politique pour un programme d’investisseurs immigrants passifs soigneusement structuré et viable, destiné aux investisseurs très fortunés, au niveau fédéral. L’objectif serait de ressusciter le programme pilote de capital-risque immigrant-investisseur échoué.
Programmes fédéraux actuels:
Critères d’admissibilité:
- Patrimoine d’une valeur nette personnelle de 10 millions de dollars.
- Les candidats doivent investir au moins 2 millions de dollars dans un fonds de capital-risque approuvé par le gouvernement pour une période minimale de 15 ans, sans garantie de rendement.
- Les candidats doivent démontrer que leur seuil d’avoir net a été obtenu auprès de sociétés de gestion licites et à but lucratif, d’entreprises ou d’investissements.
- Test de langue obligatoire
- Preuve d’études canadiennes complétées d’au moins un an au Canada ou preuve d’un équivalent d’études à l’étranger (les candidats dont la valeur nette personnelle est de 50 millions de dollars sont exemptés).
Contre une cible de 60 demandes, établi en février 2015 et prolongé jusqu’à la fin de 2015, ce programme a attiré moins de 10 candidats. À ce jour, il n’est en concurrence avec aucun des programmes des pays du «Niveau 1» en ce qui concerne des critères tels que les seuils de valeur nette, la durée de l’investissement, la composition de la catégorie d’actifs et les exigences en matière de langue.
2. Programme de visa pour démarrage d’entreprise – (candidats très fortunés – Programme pour entrepreneurs spécialisés)
Critères d’admissibilité:
- Certificat d’engagement ou lettre d’appui d’une entité désignée
- Fonds de règlement suffisants, non grevés, disponibles et transférables
- Au moins une année d’études postsecondaires
- Tests de langue obligatoires.
Ce programme a été créé en 2013 et accorde des permis de séjour permanents et des permis de travail aux entrepreneurs immigrants qualifiés. Le programme vise à recruter des entrepreneurs et à les mettre en contact avec des entreprises du secteur privé au Canada. L’objectif est d’aider à créer des entreprises capables de s’implanter à l’international. Cependant, moins de 100 demandes ont été reçues pour un objectif annuel de 2 750 personnes.
La concurrence internationale
Résidence
Le Canada fait face à une concurrence importante dans le domaine de la résidence permanente par l’investissement. Parmi les pays du Niveau 1, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Portugal et l’Australie offrent tous des voies d’accès à la résidence avec une mélange d’entrepreneuriat actif et investissement passif. Au total, plus de 20 pays offrent des possibilités de résidence permanente.
L’EB-5 américain nécessite un investissement de 500 000 dollars ou d’un million de dollars, tandis que l’investissement minimum pour le programme britannique est de 4 millions de dollars canadiens, sans seuil de valeur nette ni exigence linguistique. Cela permet également aux investisseurs de faire preuve de souplesse dans le choix des classes d’actifs.
En règle générale, le PPCRII du Canada n’a pas suscité d’intérêt, car il impose des conditions qui ne sont pas compétitives sur le marché international. Celles-ci incluent des exigences linguistiques inutiles, un seuil de valeur nette, une durée déraisonnable de 15 ans et aucune flexibilité pour l’investisseur dans le choix d’une classe d’actifs.
Citoyenneté
Bien que le Canada doive rétablir sa crédibilité et rivaliser avec le marché international dans le domaine de la résidence permanente, il pourrait offrir une opportunité intéressante de devenir un acteur dominant de niveau 1 dans le domaine de la citoyenneté grâce à l’investissement.
À l’heure actuelle, l’Autriche, la Malte et le Chypre sont les seuls pays de la première catégorie à offrir une voie directe vers la citoyenneté. L’Antigua-et-Barbuda, la Dominique, le Saint-Kitts-et-Nevis et la Sainte-Lucie offrent également de tels programmes.
Le Canada, l’Australie, la Belgique, le Portugal, le Singapour, le Royaume-Uni et les États-Unis offrent tous une voie d’accès à la citoyenneté après de longues périodes de résidence permanente.
Le Canada pourrait donc devenir une destination dans cette catégorie d’investissement en devenant le premier pays du Niveau 1 à proposer un tel programme. Le seul rival crédible serait Malte, qui offre la citoyenneté maltaise, qui a une stature internationale très élevée.
Concevoir de nouveaux programmes
Si le Canada veut revenir sur le devant de la scène en matière d’immigration d’affaires et reproduire le succès du PIIQ, il doit le faire avec des programmes bien conçus et ciblés avec des exigences concurrentielles qui attirent les candidats de qualité sur la base d’objectifs de politique clairs.
Un programme réaménagé pour les investisseurs immigrants peut retenir les meilleurs éléments des programmes internationaux et ajouter des éléments qui répondent aux objectifs de la politique canadienne. Un nouveau programme d’investissement de la citoyenneté par l’investissement serait destiné à un nombre encore plus restreint mais très limité de clients internationaux. Il doit rester compétitif sur le marché.
Bien que deux systèmes distincts soient mis en avant, il faut tenir compte de considérations primordiales :
- Crédibilité
Des mécanismes de vigilance et de conformité rigoureux doivent être mis en place. - Compétitivité
Doit dépasser ou au moins égaler des programmes internationaux similaires en utilisant une variété de mesures internationales objectives. - Coût de gestion efficace
Le traitement centralisé, les contrôles de retour obligatoires et la vérification préalable peuvent être sous-traités et effectués par des tiers de bonne réputation. Les demandes ne doivent pas être soumises directement par les candidats ou les consultants, mais par des intermédiaires désignés, garantissant ainsi le respect des normes. - Traitement rapide
La norme est de six mois, atteinte par une limitation du nombre de demandes soumises à chaque cycle.
Une fois ces exigences clés définies, l’étape suivante consiste à définir à quoi pourraient ressembler les différents régimes – résidence permanente et citoyenneté.
1) Nouveau programme de résidence permanente par l’investissement
- Seuil d’investissement compris entre 1,5 et 2 millions de dollars – très compétitif par rapport à des programmes similaires.
- Pas de valeur nette minimale, ce qui le rend plus attrayant pour un investisseur et plus facile à administrer. Ceci est cohérent avec l’industrie.
- Classes d’actifs à choisir par l’investisseur. Ceci est cohérent avec l’industrie.
- Investissement visant à exclure l’immobilier résidentiel, évitant ainsi les craintes de bulles immobilières dans les zones géographiques populaires.
- Diligence et conformité strictes, effectuées par des tiers experts.
- Frais de traitement de 20 000 $, plus des frais supplémentaires pour les personnes à charge qui vous accompagnent. Les frais de traitement peuvent aider à compenser les coûts de gestion du programme, similaires à ceux du PIIQ.
2) Nouveau programme de citoyenneté par l’investissement
- Un seuil d’investissement de 10 millions de dollars. Cela pourrait être commercialisé, car le Canada deviendrait le seul pays de niveau 1 en Amérique du Nord dans le secteur des investissements axés sur la citoyenneté.
- Pas de valeur nette minimale, ce qui le rend plus attrayant pour un investisseur et plus facile à administrer. Ceci est cohérent avec l’industrie
- Classes d’actifs: 50% des investissements sont affectés à un fonds fédéral pour les infrastructures et 50% choisis par l’investisseur, avec restrictions.
- Un an de statut de résident permanent, y compris un minimum de trois mois de présence physique avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté canadienne.
- Diligence et conformité strictes, effectuées par des tiers experts.
- Frais de traitement de 50 000 $, plus des frais supplémentaires pour les personnes à charge qui vous accompagnent. Les frais de traitement peuvent aider à compenser les coûts de gestion du programme.
- Création d’un fonds international pour les réfugiés qui recevra 0,0005% de l’investissement (5 000 dollars par investisseur). Cela servirait de programme pour fournir une assistance monétaire aux personnes touchées par la crise internationale actuelle des migrants provoquée par des conflits internationaux.
L’étape suivante
Le Canada doit maintenant évaluer les avantages tangibles et objectifs d’une résidence recalibrée et d’un programme bien développé axé sur la citoyenneté grâce à l’investissement et destiné aux investisseurs très fortunés pour attirer le plus haut calibre de nouveaux résidents et citoyens.
Les énormes avantages financiers pour le Canada, un avantage bienvenu face aux difficultés économiques actuelles, pourraient bien être surpassés par les avantages indéniables sur le capital humain des hommes d’affaires les plus novateurs et les plus riches du monde qui choisiraient de vivre au Canada. De plus, le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale en créant un fonds international basé sur des œuvres de bienfaisance pour d’autres programmes similaires. Ainsi, les plus riches du monde assisteraient directement la population immigrée dans le monde qui est la plus touchée par les conflits internationaux. C’est l’une des caractéristiques des politiques d’immigration efficaces.
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