* Apparaît également comme éditorial d’opinion en Hilltimes du 1er novembre 2017 *
Le 30 octobre 2017 – Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, en adoptant le projet de loi 62 intitulé «Loi favorisant l’adhésion à la neutralité religieuse de l’État», suscite la controverse en restreignant la couverture du visage, pratique largement suivie par les femmes musulmanes.
L’objectif d’un gain politique anticipé semble frappant. Les Québécois font face à des élections provinciales à l’automne 2018 et un sondage Angus Reid a révélé qu’un Québécois sur cinq a déclaré que le projet de loi 62 serait « l’un des facteurs les plus importants » quant au choix du parti à soutenir.
Beaucoup s’interrogent sur les raisons de l’interdiction des couvres-visage. Les chiffres de Statistique Canada confirment que parmi les 8.2 millions d’habitants du Québec, un peu plus de 240 000, soit moins de 3%, s’identifient comme musulmans. Seule une fraction de ce nombre choisit de porter le voile intégral. Ainsi, seulement quelques centaines de personnes sont au centre de cette restriction.
L’interdiction du niqab au Québec est présentée comme une loi de neutralité religieuse de l’État. Pourtant, faute d’une meilleure description, l’État prescrit ce que les femmes musulmanes du Québec ne doivent pas porter. Ils ne seront pas autorisés à porter une burka ou un niqab lorsqu’ils accèdent aux transports publics, reçoivent des services médicaux dans un hôpital provincial ou fréquentent une bibliothèque publique. Les étudiants qui fréquentent des universités financées par l’État et les parents qui vont chercher des enfants dans des garderies financées par l’État seront également touchés.
La loi n’interdit pas d’autres articles de foi et n’empêchera pas les fonctionnaires de porter de grands crucifix, des turbans, des kippas ou des vêtements portés par des adeptes d’autres religions lorsqu’ils fournissent des services gouvernementaux.
On ne sait pas exactement comment la loi sera mise en œuvre lorsqu’elle entrera en vigueur en 2018, bien que le gouvernement du Québec ait récemment tenté d’assouplir quelque peu sa position depuis l’adoption de la loi. Cependant, cela soulève des préoccupations, dont la plus grave est que l’application de la loi sera déléguée à des milliers d’employés de la fonction publique pour la faire respectée. Le syndicat des chauffeurs de bus de Montréal a déjà dit que ce n’est pas le travail des chauffeurs de décider qui embarque dans un autobus. Il est certain qu’une controverse découlera des applications incohérentes.
Le ministre de la Justice du Québec a déclaré que la loi s’appliquera également au port de lunettes de soleil, ce qui soulève la question de savoir le lien au sujet de la neutralité religieuse.
La Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté de religion et garantit l’égalité devant la loi pour jouir de ces libertés sans discrimination. Il affirme également l’engagement du Canada envers la préservation et la mise en valeur du patrimoine multiculturel de tous les Canadiens.
Pour réussir une contestation constitutionnelle, un demandeur individuel devrait prouver que la loi interfère avec sa liberté de religion. Ce n’est pas aussi simple, vu que les rédacteurs de la loi ont pris soin d’éviter d’utiliser une référence à une burka ou un niqab. Certains suggéreraient que s’appuyer sur de simples inférences à l’interférence religieuse est insuffisant.
Toutefois, la Cour suprême du Canada, dans deux décisions émanant du Québec en 2006 et en 2004, a déjà précisé qu’un individu aurait seulement besoin de montrer que sa foi exige le port d’un couvre-visage et que, ce faisant, la croyance personnelle et subjective dans la signification religieuse est sincère.
Ces décisions réfutent l’argument qu’un couvre-visage n’est pas une exigence religieuse obligatoire imposée aux femmes musulmanes, comme certains l’ont affirmé, et n’est donc pas une ingérence religieuse.
Mais selon notre constitution, aucun droit n’est absolu et si une limitation peut être justifiée, elle serait sujette à des limites raisonnables.
C’est un domaine qui donnera lieu à un débat. La raison d’être du projet de loi 62 est questionnée par tout le monde.
Certains croient que la nouvelle loi répond à un problème de sécurité. Le gouvernement du Québec, s’il décide de s’appuyer sur cet argument, devra fournir une preuve objective que les revêtements du visage constituent un risque pour la sécurité. Ce sera un gros ordre. Peu d’incidents violents, voire aucun, ont été signalés au Québec, impliquant un individu couvert d’un voile.
Au Royaume-Uni, le Home Office, Scotland Yard et le Conseil des chefs de la police nationale ont récemment examiné si la burqa était réellement une menace terroriste et si les risques de sécurité et les problèmes d’intégration justifieraient une interdiction. Ils ont conclu qu’un manque de statistiques convaincantes soutiendrait cette politique.
En l’absence de preuves statistiques montrant la menace terroriste que représentent les couvres-visage au Québec, une interdiction totale, dans un large éventail de circonstances, permettrait à l’État d’empiéter sur la liberté de religion si elle ne peut raisonnablement être justifiée. Selon le raisonnement d’une décision de la Cour suprême du Canada de 2012, cela est incompatible avec la prémisse sur laquelle repose notre Charte – et exige une approche généreuse pour définir la portée des droits qu’elle confère, associée à la nécessité de justifier les intrusions sur ces droits en raison d’intérêts contradictoires ou du bien public.
En vérité, la technologie, grâce à l’utilisation à grande échelle des détecteurs de métaux portables et des scanners rétiniens biométriques à l’avenir, fournira une sécurité beaucoup plus fiable.
Même si l’objectif de la loi peut être établi comme urgent et substantiel, il sera difficile de répondre au critère de connexion rationnelle, exigeant que la loi atteigne ses objectifs, par une atteinte minimale aux libertés religieuses protégées par la Charte.
Le gouvernement doit également aborder le critère de la «proportionnalité globale» entre les effets positifs et négatifs de la loi : s’il est raisonnable d’exiger que les femmes portant la burka choisissent entre leur religion et recevoir des services financés par l’état.
La prémisse récemment exprimée par le premier ministre Couillard «Un visage couvert ne traite pas seulement sur la religion. Vous me parlez, je devrais voir votre visage et vous devriez voir le mien. C’est aussi simple que cela », est beaucoup trop général et simpliste pour justifier la vaste portée de cette interdiction.
Le passage de la Charte des droits et libertés en 1982, reconnu comme un grand accomplissement dans le monde, a coïncidé avec le début des années 1980 quand visible les minorités ont augmenté de façon spectaculaire au Canada grâce à de solides politiques d’immigration. Depuis, notre population est devenue plus diversifiée et la Charte est devenue l’instrument pour interpréter et articuler nos valeurs nationales, par un dialogue équilibré, un engagement et un accommodement qualifié.
Les nouvelles politiques du Québec vont probablement à l’encontre de ces principes établis. Si rien n’est fait, ils risquent de redéfinir le Canada pour tous les Canadiens, comme nous le savons.
Colin R. Singer est un conseiller en immigration pour www.immigration.ca.
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